<

Taxe foncière : une réforme relancée, mais redessinée sur le terrain

Thumbnail [16x6]

Après plusieurs mois de tensions entre l’État et les collectivités, le Gouvernement revoit en profondeur la méthode de révision des valeurs locatives. 
 

La réforme, attendue depuis plus d’un demi-siècle, ne sera pas abandonnée mais repensée : elle s’articulera désormais autour d’une concertation départementale, appuyée par les directions territoriales de la DGFiP. Le calendrier national est repoussé au printemps 2026 afin d’adapter l’évolution de la taxe foncière aux réalités locales, un virage technique et politique majeur.
 

La réunion tenue avec les associations d’élus et les ministres de l’Aménagement du territoire, de la Décentralisation et des Comptes publics a permis de clarifier ce qui bloquait la réforme depuis plusieurs semaines : la révision uniforme des valeurs locatives, prévue par la loi mais héritée d’un système datant… des années 1970, ne pouvait plus être appliquée sans tenir compte des écarts considérables entre territoires.
 

Dans certains départements, les bases actuelles reflètent des marchés immobiliers disparus ; dans d’autres, les variations de prix ont été si rapides que les valeurs cadastrales n’ont plus aucun rapport avec la réalité économique. 

 

L’objectif premier, rétablir une équité fiscale imparfaite depuis près d’un demi-siècle, demeure inchangé, mais la méthode devait être repensée. Les élus ont plaidé pour une approche plus fine, capable de distinguer les situations urbaines, périurbaines et rurales, et d’intégrer les dynamiques locales de valeur foncière.
 

Le Gouvernement répond positivement à cette demande. Plutôt qu’un modèle unique décidé nationalement, la réforme sera désormais menée au niveau départemental, avec la possibilité d’aller encore plus loin dans la granularité lorsque les écarts internes l’exigent. Le calendrier national est décalé au printemps 2026, un ajustement qui permettra de structurer un véritable travail de terrain.
 

Cette réorientation ne constitue pas un recul, mais un changement d’architecture. Elle reconnaît que toute réforme foncière, pour être légitime, doit refléter la diversité des situations locales. Les dispositifs nationaux fixent le cadre ; les départements ajustent les modalités ; les communes en subissent les effets. C’est ce maillage, et non une mécanique centralisée, qui conditionnera la réussite du projet.
 

Les directions départementales des finances publiques (DDFIP) joueront un rôle pivot : elles réuniront prochainement élus et parlementaires pour présenter les scénarios possibles, étudier les écarts avec précision et accompagner la montée en charge technique. Pour la première fois depuis des décennies, une réforme foncière se construit donc par le bas.
 

Un chantier plus vaste s’ouvre 
Si la révision des valeurs locatives constitue le point de départ, les élus ont rapidement élargi le périmètre des discussions. Au-delà de l’actualisation technique, c’est la structure entière de la fiscalité foncière qui interroge. Le Gouvernement a confirmé qu’il était prêt à ouvrir un chantier de simplification et de clarification, répondant à une demande de longue date des collectivités.
 

Aujourd’hui, la taxe foncière repose sur un empilement de règles et de mécanismes correctifs qui nuisent à sa lisibilité pour le contribuable et compliquent la prévision budgétaire pour les communes. Entre les variations de valeurs locatives, les coefficients locaux, la fiscalité sur les logements vacants, les exonérations ciblées ou temporaires, et l’impact variable des politiques locales d’aménagement, l’ensemble manque d’un fil conducteur. 

 

Cette complexité alimente l’incompréhension du public et, parfois, la défiance.
La réforme promise par le Gouvernement veut répondre à trois objectifs :
– simplifier l’architecture de la taxe, afin qu’un propriétaire puisse comprendre ce qu’il paie ;
– assurer une meilleure lisibilité des effets locaux, pour que les décisions territoriales soient visibles et assumées ;
– reconstruire un système durablement cohérent, capable de résister aux évolutions rapides des marchés immobiliers.
 

Le report à 2026 n’est donc pas une suspension, mais l’ouverture d’une séquence technique et d’une séquence politique. Les DDFIP accompagneront les travaux départementaux, tandis que les services de l’État restent mobilisés pour fournir aux collectivités les simulations nécessaires : effets par type de bien, variations attendues selon les secteurs, impact sur les recettes locales.
 

Ce travail préparera la « très grande réforme » annoncée : une refonte qui dépassera la simple mise à jour des bases cadastrales et pourrait redéfinir le lien fiscal entre propriétaires, territoires et politiques d’aménagement. La taxe foncière, longtemps figée, entre dans une phase active de transformation.