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Fed : la fin du resserrement monétaire, un tournant pour les marchés

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Après trois années de contraction de son bilan, la Réserve fédérale américaine met fin à son programme de “Quantitative Tightening”. Dès le 1er décembre, elle cessera de réduire ses actifs et recommencera à réinvestir les obligations arrivant à échéance. Une décision qui traduit un changement de cap stratégique : préserver la stabilité financière, quitte à desserrer un peu la rigueur monétaire.

Un virage prudent face aux tensions de marché
L’annonce, très attendue, marque la fin d’un cycle historique. Depuis l’été 2022, la Fed réduisait son portefeuille obligataire dans le cadre du Quantitative Tightening (QT), l’exact inverse du Quantitative Easing (QE) mené pendant la pandémie.
 

En trois ans, la taille de son bilan est passée de près de 9 000 milliards de dollars à un peu plus de 7 000 milliards, soit un retrait de liquidités de plus de 2 000 milliards de dollars. L’objectif était clair : normaliser la politique monétaire après les excès du soutien post-Covid.
 

Mais ces dernières semaines, plusieurs signaux de tension sur le marché monétaire américain ont inquiété les opérateurs. Le coût du financement à court terme a grimpé, les émissions du Trésor américain ont pesé sur les taux longs, et les spreads entre titres du Trésor et obligations d’entreprises se sont légèrement écartés.
Face à ce contexte, la Fed a préféré ajuster le tir. « La stabilité financière l’emporte désormais sur la rigueur budgétaire », résume Lazard Frères Gestion dans sa dernière note.
 

Concrètement, la banque centrale cessera de laisser expirer ses obligations sans remplacement et recommencera à réinvestir les montants arrivant à échéance, stabilisant ainsi la liquidité globale du système. En parallèle, elle a abaissé son taux directeur de 25 points de base, une première depuis 2023.

Un soutien discret au Trésor américain
Au-delà du symbole, cette décision vise à éviter un assèchement de liquidités qui pourrait fragiliser les marchés obligataires et les banques régionales. Selon les estimations de Lazard, la Fed pourrait acquérir jusqu’à 200 milliards de dollars de bons du Trésor par an, concentrés sur les maturités courtes.
 

Cette intervention n’équivaut pas à un retour du QE : elle ne crée pas de liquidités nettes, mais stabilise le stock existant. Toutefois, elle facilite indirectement le travail du Trésor américain, confronté à une explosion de ses besoins de financement.
 

En réduisant la pression sur les taux longs et en fluidifiant la demande pour les émissions d’obligations publiques, la Fed agit comme un “backstop discret” du marché obligataire.
 

Cette orientation pragmatique répond à une logique de prévention : éviter de reproduire le scénario de septembre 2019, lorsque le retrait trop rapide de liquidités avait provoqué une flambée des taux interbancaires et un blocage du marché du repo.
 

Pour les marchés, le signal est clair : la banque centrale américaine veut éviter toute dislocation du système au moment où la croissance ralentit et où l’emploi commence à se tasser.

Vers un environnement de taux plus accommodant
Ce pivot monétaire ouvre une nouvelle phase. Après deux ans de resserrement simultané des taux et du bilan, la Fed adopte une posture plus équilibrée. Elle n’anticipe pas pour autant une baisse rapide des taux, mais prépare le terrain à une stabilisation durable.
 

Le scénario privilégié par Lazard Frères Gestion est celui d’un atterrissage en douceur de l’économie américaine, avec une inflation revenant graduellement vers 2,5 % et une croissance ramenée autour de 1,5 % en 2026.
Pour les investisseurs, cette inflexion change la donne. La détente des taux courts pourrait soutenir les marchés actions et redonner de l’élan aux secteurs sensibles à la liquidité — immobilier coté, infrastructures, dette privée.
Les obligations du Trésor américain à moyen terme (2 à 5 ans) retrouvent un profil attractif, tandis que la courbe des taux, encore inversée, pourrait progressivement se normaliser.
 

Le message implicite de la Fed est clair : elle ne veut plus être la cause d’une crise de liquidité. Dans un environnement géopolitique instable et budgétairement fragile, la stabilité monétaire redevient une priorité absolue.